Les enceintes sportives

Les enceintes sportives modernes sont un outil indispensable au développement sportif et économique des clubs professionnels, un levier décisif pour la compétitivité d’une discipline sur la scène européenne, une condition indispensable à l’accueil de compétitions internationales et un outil stratégique porteur de croissance pour la France. De plus les enceintes sportives sont un révélateur de la professionnalisation en cours des différentes disciplines et un élément clef de la réussite ou de l’échec de leur développement. La France souffre d’un retard considérable en matière d’enceintes sportives adaptées aux exigences du sport professionnel actuel.

Avec la candidature à l’EURO 2016 de football, une formidable dynamique a été lancée pour rattraper le retard du parc des stades français qui, avec une moyenne d’âge de 66 ans, est vieillissant et inadapté. Les stades de la candidature de la France, pour un montant de 1,7 milliards d’euros d’investissement, illustrent cette mobilisation sans précédent des acteurs du football et des pouvoirs publics. Les projets d’enceintes sportives résolument ancrés dans une approche de développement durable, tant pour leur construction que leur exploitation, sont aussi, en cette période de relance économique, un élément moteur de la création d’emplois directs ou indirects le temps de la construction comme dans le cadre de l’exploitation. Le Stade de France, qui 10 ans après, demeure un levier majeur de la mutation de la Plaine Saint-Denis en est un parfait exemple.

Le constat est plus cruel en matière de sports de salle, la plupart des enceintes sont obsolètes pour la pratique professionnelle. En vingt-cinq ans, la France n'a construit que deux salles de 10 000 places, le Palais Omnisport de Paris-Bercy (POPB) en 1984 et l'Arena de Montpellier en 2010, alors que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre comptent respectivement 18, 12, 6 et 5 salles de plus de 10.000 places. Il existe 21 grandes salles de plus de 15 000 places en Europe. Aucune d'elles ne se trouve en France. Le 02 Aréna de Londres construit en 2007 avec une capacité de 20 000 places ou encore le 02 Aréna de Prague et le 02 World de Berlin de 18 000 places sorties de terre respectivement en 2004 et en 2008 illustrent le mouvement actuel qui a vu ces cinq dernières années la plupart des capitales européennes se doter d’enceintes modernes polyvalentes de grande capacité afin de répondre au marché évènementiel sportif et culturel européen.

Un consensus national semble désormais naître, après notamment les rapports d’Eric Besson "Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français", de Philippe Seguin "Grands Stades – EURO 2016", de Philippe Augier "Pour une politique gagnante des grands évènements", de Daniel Costantini «Arenas 2015», de Bernard Depierre «Les grands équipements sportifs» au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l'Assemblée nationale, de David Douillet «L’attractivité de la France pour l’organisation de grands événements sportifs», sur la nécessité stratégique de voir le pays se doter d’une politique ambitieuse et volontariste afin de moderniser ses enceintes sportives.

Les fédérations et les ligues professionnelles ont activement œuvré au consensus national qui s’est dessiné ces trois dernières années en faveur de cet objectif de modernisation du parc de stades et de salles du pays. La Ligue de Football Professionnel en novembre 2008 puis en avril 2010, la Ligue Nationale de Rugby en novembre 2010, puis la Fédération et la Ligue Nationale de Basket en mai 2011 ont organisé des conférences en invitant l’ensemble des acteurs concernés afin de faire émerger une analyse partagée et de produire des dynamiques entre les usagers, les collectivités territoriales, le privé, les constructeurs, les exploitants… Les ligues professionnelles mais également certaines fédérations, ont par la formation de leurs cadres voire par la création de service dédié comme pour la Ligue de Football Professionnel dès 2004 et la Ligue Nationale de Rugby en 2010, développé une activité spécifique sur la problématique des enceintes et manifestations sportives. Les Ligues professionnelles et fédérations mènent ainsi des actions de formation en direction de leurs clubs et mettent leur expertise au service des projets de stades ou de salles à chaque fois qu’elles sont informées ou sollicitées.

Il est important que les évolutions juridiques et financières proposées en la matière répondent à la fois à la nécessité de doter la France de grandes enceintes sportives à vocation internationale mais également à la modernisation des stades et des salles, de moyenne capacité, utilisés dans le cadre des championnats et compétitions européennes par les clubs professionnels toutes disciplines confondues.

L’avènement d’enceintes sportives lieux de vie, offrant des prestations de qualité, que ce soit pour le grand public ou les entreprises, adaptées aux impératifs des retransmissions audiovisuelles et des médias et intégrant dans leur construction et leur exploitation la problématique du développement durable est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs du sport professionnel français, et ce aussi bien pour les grandes que les moyennes enceintes.

Les clubs professionnels doivent opérer une mutation de leur modèle économique en leur permettant de bénéficier d’un « outil de travail » performant grâce auquel ils pourront développer leurs ressources propres. L’optimisation de l’exploitation de ces dernières est une condition à la mise en place d’un modèle économique moins dépendant des subventions publiques, du mécénat ou de l’audiovisuel. La maîtrise d’une enceinte de capacité adaptée, moderne, conforme aux attentes du sport spectacle, permet à un club de développer des recettes en augmentant la billetterie, les prestations VIP, les services aux spectateurs, le merchandising, les partenariats… Cette capacité engendre un cercle vertueux où les recettes permettent de développer des politiques sportives plus ambitieuses en facilitant notamment le recrutement de meilleurs joueurs. La hausse de la qualité du spectacle sportif et l’amélioration visuelle de l’environnement de la salle suscitent à leur tour les diffusions audiovisuelles, elles-mêmes sources de revenus supplémentaires.

Les nouvelles enceintes sportives sont aujourd’hui des enjeux de développement de territoire à l’échelle européenne. Une véritable concurrence est en train de naître entre les différentes capitales européennes concernant la qualité de leur équipement phare susceptible d’assurer un rayonnement sportif et culturel à leur ville, à leur pays. Les collectivités locales priopriétaires de la quasi totalité des enceintes sportives et acteurs majeurs de leur financement tant pour leur construction que leur exploitation sont des partenaires incontournables et naturels en la matière.

Des mesures de portée générale répondant à la fois à la nécessité de doter la France de grandes enceintes sportives à vocation internationale mais également à la modernisation des stades et des salles, de moyenne capacité, utilisés dans le cadre des championnats et compétitions européennes par les clubs professionnels toutes disciplines confondues sont également attendues.

La construction et la rénovation des 11 stades qui vont accueillir l’Euro 2016, l’annonce d’une enveloppe de 50 millions d’euros sur cinq ans pour le financement des grandes Arénas sont les premiers signes de cette mobilisation nationale. De nombreuses évolutions juridiques restent nécessaires pour encourager les financements publics-privés, sécuriser les montages d’exploitation des enceintes modernes avec la problématique du positionnement du club utilisateur ou encore rationaliser l’examen des recours et contentieux accompagnant souvent la réalisation d’enceintes sportives.

La plupart des préconisations des rapports Seguin et Costantini répondent à cet objectif de modernisation du parc français des enceintes sportives par une évolution du cadre juridique favorisant leur financement, leur réalisation et leur exploitation avec ces trois axes d'action suivants pouvant être mis en exergue.

Mise en place de garantie d’emprunt au niveau national et local.

La participation d’un club au financement d’un projet d’équipement s’avère excessivement délicat. Le montant de l’opération et le profil de l’emprunteur sont appréhendés par les organismes prêteurs avec beaucoup de réticences. Les clubs professionnels en manque de fond propre sont des acteurs à risque dont l’activité économique n’assure pas une visibilité à même de rassurer les investisseurs. L’accès au financement et l’obtention de bonnes conditions passent par des garanties publiques de l’Etat et des collectivités territoriales. L’article 6 de la loi n°2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative avait autorisé l’État à accorder sa garantie pour des prêts accordés au titulaire d’un contrat de partenariat, d’une concession de travaux ou d’une convention de délégation de service public. Pour ce faire, les projets concernés devaient être jugés « prioritaires » et faire l’objet d’une contractualisation avant le 31 décembre 2010. L’objectif national d’amélioration de son parc d’enceinte sportive pourrait justifier la prolongation de cette disposition aux projets d’enceintes sportives reconnues d’intérêt général en application de l’article 28 de la loi n°2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Ce soutien pourrait être une contribution de l’Etat qui a fait défaut lors de la non prise en compte incompréhensible de la problématique des enceintes sportives dans les objectifs du grand emprunt.

La capacité des collectivités territoriales à accorder une garantie d’emprunt pour un club professionnel désirant participer au financement d’un projet relatif à son enceinte sportive est impossible en l’état actuel du droit. L’article L.113-1 du code du sport interdit, en effet, l’octroi de garantie d’emprunt  par les collectivités locales et leurs groupements aux clubs sportifs. Paradoxalement, les collectivités territoriales peuvent par ailleurs garantir les emprunts aux entreprises privées à hauteur de 50 à 80 % de l’emprunt. Il est proposé de rendre possible pour les collectivités qui souhaiteraient le faire l’octroi de cette garantie d’emprunt à des clubs professionnels dont les projets ainsi soutenus se verraient en contrepartie assignés d’une obligation d’affectation sportive prioritaire pour la durée de l’emprunt garanti.

Sécuriser l’accès au partenariat public-privé en assouplissant la reconnaissance de la qualité de service public.

Selon les termes de l’article L.1414-1, § I du code général des collectivités territoriales, la notion de service public est le fondement du contrat de partenariat public-privé. Or la qualification de service public pour les enceintes sportives affectées au sport professionnel n’est pas toujours évidente pour la jurisprudence administrative. Le Conseil d’État semble ainsi exclure que l’exploitation d’une enceinte sportive affectée exclusivement au besoin d’un club sportif professionnel puisse être qualifiée de service public. Afin de sécuriser le recours aux procédures de contrat de partenariat ou de concession de service public qui reposent l’une et l’autre sur la qualification de service public et nécessitent, en vue de la mobilisation d’un important financement privé, un environnement juridique clarifié, il paraît opportun que la réalisation des enceintes sportives déclarées d’intérêt général et initiées par des collectivités territoriales puisse faire l’objet d’un contrat de partenariat ou d’une procédure de délégation de service public, indépendamment de la qualification ou non de service public.

Intégrer les clubs dans les montages juridiques des projets de réalisation et d’exploitation.

La relation à trois qui se développe désormais de plus en plus avec des montages juridiques et financiers associant une collectivité, un club et un exploitant pose, de manière aiguë, la question de la place du club sportif dans le mode de gestion des futures enceintes utilisées par ces derniers. Le statut des clubs dans l’enceinte et la relation avec l’exploitant peuvent faire l’objet d’une évolution juridique dans les schémas de partenariat public-privé. Un club peut, en effet, être intéressé à l’exploitation de l’enceinte y compris en dehors de ses propres matches. Une organisation optimisée entre le club et l'exploitant donnant lieu à mutualisation des moyens d'exploitation et de commercialisation et à partage de certaines recettes devrait en outre être une source d'économie. En s’inspirant de la position prise par la Commission Européenne puis par la Cour de Justice des Communautés Européennes s’agissant des partenariats public-privé institutionnels, il semble envisageable de prévoir une procédure dans laquelle, compte tenu des droits d’utilisation du ou des clubs sportifs, le candidat retenu à l’issue de la procédure ne serait pas le partenaire contractant avec la collectivité mais associé dans une société de projet constitué avec le ou les clubs sportifs. Un tel schéma permettrait d’éviter soit que l’exclusion du club de la procédure conduise les candidats à occulter les avantages potentiels pouvant résulter d’un partage de ressources ou d’une mutualisation de moyens d’exploitation soit qu’une intervention du club auprès d’un ou plusieurs candidats n’ait pour effet de fausser la concurrence. Il est enfin capital d’intégrer le plus en amont possible les clubs dans l’élaboration des enceintes qu’ils seraient amener à utiliser et à exploiter afin d’en optimiser la réalisation selon leurs besoins d’usager et d’exploitant.